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Entretien avec Paul Polman

A green shift ?

Paul Polman, Co-fondateur d'IMAGINE, ancien PDG d'Unilever et membre du conseil d'administration de la Fondation Prince Albert II de Monaco

« Après la Seconde Guerre Mondiale de grandes institutions sont nées. Les hommes ont appris à se serrer les coudes, à survivre, à endurer une effroyable épreuve. Il y a eu un sentiment plus grand de communauté mondiale, mais aussi une meilleure perception de ce que cette communauté voulait ou ne voulait plus pour avancer. J’espère que cette crise du COVID aura un effet similaire. Et que, de cette longue bataille sans précédent qui nous attend, nous sortirons plus forts et grandis.
Aussi terrifiant que le COVID soit, nous devons en tirer des leçons.

Nous ne sommes pas confrontés à une menace unique, mais à une série de crises qui compromettent à la fois la santé et les moyens de subsistance des hommes, la prospérité économique ainsi que la stabilité mondiale. Les épidémies d'origine animale et autres maladies infectieuses comme le virus Ebola, le SARS, la grippe aviaire et aujourd’hui le COVID-19, sont en augmentation.

La destruction de la biodiversité étant à l'origine de la pandémie du COVID, nous avons compris que la santé de la Planète et la santé des hommes étaient étroitement liées. Chaque crise possède ses propres facteurs et caractéristiques, mais toutes résultent de notre choix commun de vivre bien au-delà des limites de la planète, sans nous assurer que nous en avons tous assez, pour partager cette belle petite planète.

Les coûts sont élevés, les gens meurent, les entreprises disparaissent, les relations sont rompues et les institutions mondiales sous pression. Nous découvrons les limites de notre système économique actuel et les conséquences lorsque la santé des gens et la santé de la planète ne sont pas prises en compte. Lorsque trop nombreux sont ceux qui ne bénéficient d'aucun filet de sécurité ou qui sont tout simplement laissés pour compte.

Ce qui est certain, c’est que la vie après le COVID 19 sera différente. Les politiques seront redéfinies, pour le meilleur ou pour le pire, c'est à nous de décider ! Notre attitude devra changer face à la technologie, au consumérisme ou au rôle des gouvernements et les entreprises assumeront, espérons-le, un modèle de croissance plus inclusif et plus durable.

Nous avons réalisé que nous sommes plus connectés que jamais, et ce, à une échelle mondiale. Je pense que davantage d'esprits seront également ouverts aux actions audacieuses et radicales, nécessaires pour vivre en harmonie avec la planète Terre, avec moins d'inégalités et plus de compassion entre nous.

Le monde sera, je l'espère, un monde plus propre et plus sain, où plus de gens pourront respirer, et ce, pour la première fois depuis des années, où l'énergie sera durable et fera revivre l’océan. Où nous aurons le sentiment de faire partie d'une humanité partagée.

Oui, nous pouvons construire cet avenir grâce à une action collective et un leadership. Nous pouvons donner la priorité à la mise en place de systèmes de santé solides et accessibles pour tous et pour toutes les pays, nous pouvons investir dans les énergies renouvelables et régénérer l'agriculture, et nous pouvons faire en sorte que chacun ait accès à une protection sociale minimale.

Un monde où les marchés financiers veulent davantage servir la société et non l'inverse comme ils auraient toujours dû le faire.

Nous pouvons apporter un soutien direct aux entreprises qui construiront l'économie de demain et non pas à ceux qui détournent les bénéfices du dernier renflouement pour offrir des salaires exorbitants aux cadres ou racheter des actions.

Nous connaissons tous la feuille de route à suivre, c’est celle des objectifs de développement durable ou objectifs globaux.

Et si cette crise nous a enseigné une chose, c'est que le coût de l'inaction est plus élevé que le coût de l'action.

Comme l'a déclaré la militante et prix Nobel Wangari Maathai : "Au cours de l'histoire, il arrive un moment où l'humanité est appelée à passer à un nouveau niveau de conscience, à atteindre un niveau moral plus élevé".

Je crois que ce moment est arrivé ! »