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Entretien de S. A. S. le prince Albert II de Monaco pour le magazine Terre Sauvage

Monaco

S. A. S. le prince Albert II de Monaco

Faire prendre conscience que l’homme a le devoir d’agir pour laisser une planète en bon état aux générations futures. Tel est le combat engagé par le prince Albert II de Monaco. Entretien avec un prince sincère et déterminé, qui a mis sa notoriété et sa fortune au service de l’environnement.
Propos recueillis par Anne Lord pour Terre sauvage
Photos Laurent Villeret


Terre sauvage : Monseigneur, Vous avez mené, en avril 2006, une expédition au pôle Nord pour lancer un cri d’alarme contre le réchauffement climatique. Qu’avez-Vous ressenti là-bas ?
S. A. S. le prince Albert II de Monaco : Tout d’abord, je voudrais souligner que la préservation de l’environnement est l’Enjeu majeur de notre siècle. Si nous n’en prenons pas conscience, les générations à venir en pâtiront. Cette expédition était donc un acte pour l’avenir. Le voyage a été riche d’émotions. Se retrouver à la station russe de Barneo, avec les traîneaux et les chiens, a été un moment intense. Puis des paysages sublimes se sont succédé. La banquise est une mer de glace et de neige tourmentée, avec des collines, des lumières fantastiques. On s’arrêtait régulièrement pour trouver les bons passages, ce qui permettait de contempler ces paysages. Mais, avec mes sept coéquipiers, nous avons été très vite ramenés à la réalité. Des plaques de glace cédaient en quelques secondes après notre passage et se disloquaient. Il était effrayant de penser qu’il y avait 4 000 mètres de profondeur sous nos pieds ! La glace n’a plus la même épaisseur qu’il y a quelques années, c’est désormais scientifiquement prouvé. Nous n’étions qu’au début du printemps mais, en approchant du pôle, nous nous sommes retrouvés face à de grands trous d’eau (open water). Il n’a jamais fait plus froid que – 20 °C et la banquise commençait déjà à se disloquer.

Avez-Vous vu des animaux ?
Nous n’avons vu qu’un seul phoque, qui est passé loin de nous, et un couple d’oiseaux des neiges. En revanche, pas d’ours car ils vont rarement au-delà du 89e parallèle. Mais une équipe, qui préparait une expédition au Groenland quelques semaines plus tard, a été suivie par des ours pendant plusieurs heures. Ils remontaient plus au nord, à la recherche de leur source de nourriture principale que sont les phoques.

Le pôle Nord, Votre trisaïeul, S. A. S. le prince Albert Ier, ne l’avait jamais atteint lors de ses expéditions. En Vous y rendant Vous-même, c’était aussi une façon de lui rendre hommage. Quel genre d’homme était-il ?
Par son esprit aventurier, sa curiosité scientifique, le prince Albert Ier était un homme assez extraordinaire, un meneur d’hommes. Il n’était pas un scientifique lui-même mais il savait s’entourer des plus grands chercheurs. Poussé par cette curiosité, il a voulu explorer ces terres lointaines. Et puis, c’est écrit noir sur blanc dans la correspondance qu’il a échangée avec d’autres chefs d’État, il était déjà préoccupé, donc il y a plus d’un siècle, par des problèmes devenus d’actualité, comme la nécessité de protéger les écosystèmes marins, les grands mammifères. En 1898, il avait écrit une lettre au roi du Portugal dans laquelle il évoque les problèmes de surpêche dans l’Atlantique. C’était un visionnaire. En 2005, pour lui rendre hommage, j’avais déjà suivi son itinéraire au Spitzberg. Bien qu’il ne l’ait jamais exprimé, je pense qu’il aurait aimé approcher du pôle. J’ai, modestement, terminé le voyage à sa place.

Dans l’exposition « Monaco en Arctique », au Musée océanographique, il y a une photo – Vous devez avoir 3 ans – où Vous tournez le dos à vos parents pour regarder la statue d’Albert Ier placée dans l’entrée du Musée. Étiez-Vous déjà fasciné par lui ?
Dès mon plus jeune âge, certainement. Le Musée est à deux pas du Palais et, enfant, j’y passais de longues heures. J’ai redécouvert cette photo l’année dernière, au moment où nous montions l’exposition. Je ne sais pas si c’est la hauteur de la statue qui m’impressionnait, mais en tout cas, c’est une très belle image.

Vous pourrez lire la totalité de cet entretien dans la rubrique revue de presse