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Interview d'Etienne Bourgois, président de Tara Expéditions

Monaco


Après la grande escale de Tara à Paris et avant la prochaine aventure de Tara en Arctique, Etienne Bourgois fait le point sur l'actualité de Tara Expéditions.

La goélette Tara était à Paris, pendant 4 mois cet hiver, quel bilan en dressez-vous ?

C'est toujours magique de voir Tara au pied du Pont Alexandre III, avec la Tour Eiffel en toile de fond. J'ai surtout été très heureux de présenter notre exposition au grand public qui explique bien nos deux précédentes expéditions Tara Arctic et Tara Oceans. Il était aussi très important pour moi d'accueillir des enfants à bord. Près de 5 000 scolaires ont foulé le pont de Tara avec des questions aussi diverses que « Pourquoi et comment un bateau flotte ? » ou encore « Pourquoi c'est important de découvrir le plancton ? ».
En organisant des soirées de débats et de projections, nous avons également suscité de nombreuses questions chez les plus grands et donné une autre couleur à l'exposition.
Enfin j'ai été très honoré de recevoir des personnalités comme le regretté Stéphane Hessel, ou encore Jasmine et Philippe Starck, Nicolas Hulot, Yann Arthus Bertrand, Elsa et Jean-Louis Etienne. Nous avons également accueilli trois ministres du gouvernement, deux ambassadeurs, le Président du Conseil Economique Social et Environnemental, un grand nombre de scientifiques avec lesquels nous avons collaborés…

J'ai un seul regret celui d'avoir titillé la Nature et d'avoir été bloqués 15 jours par la crue de la Seine qui a empêché Tara de passer sous les ponts, nous nous réjouissions d'aller en Méditerranée mais nous avons été obligés d'annuler par manque de temps. Cependant les escales prévues à Toulon, Marseille, Nice et Monaco ne sont que partie remise. Tara est à Bordeaux jusqu'au 7 avril pendant la semaine du développement durable avec au programme : une exposition, une projection, des visites pour le grand public et pour les scolaires. 

Comment se prépare la prochaine expédition de Tara en      Arctique ? Quelle va être la mission de Tara Oceans Polar Circle ?

Après les tropiques et le grand large pendant Tara Oceans, nous retournons au polaire et je m'en réjouis ! 
Il s'agit de clôturer la mission Tara Oceans sur le plancton marin, avec un matériel embarqué extrêmement sophistiqué et l'expérience que nous avons accumulée avec les laboratoires et instituts impliqués depuis plusieurs années.
Nous ferons de surcroît des études sur le plastique en Arctique et donc essaierons d'apporter des réponses aux questions sur les pollutions qui s'immiscent dans ces régions reculées. 
Il est très important de mener toutes ces études dans un contexte de transformations majeures de cette région. En effet durant l'été 2012, la banquise arctique estivale a fondu comme cela ne s'était pas produit depuis quelques milliers d'années, après le triste record de 2007. 
Nous profiterons aussi de notre présence sur place pour interpeller les acteurs politiques et le monde économique, sensibiliser la société aux enjeux écologiques les plus urgents en Arctique ainsi qu'aux problématiques rencontrées par les populations (5 millions de personnes) qui peuplent le cercle polaire arctique. Au même moment, la première partie du rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) sur les aspects scientifiques du climat sera publiée en septembre.

Le budget pour Tara Oceans Polar Circle est-il finalisé ?

Un partenaire important nous a finalement dit non en raison de la crise économique majeure que nous traversons. Il nous manque aujourd'hui 25% de la totalité du budget ce qui est lourd. Nous faisons tout pour les trouver mais si nous n'y arrivons pas, nous serons amenés à réduire fortement le programme ce que je regretterais énormément. 
J'en profite pour remercier les partenaires qui nous accompagnent aujourd'hui malgré le contexte économique difficile, comme Lorient Agglomération, la Fondation Albert II de Monaco et bien sûr agnès b. 
L'environnement est une crise encore plus grave à moyen et long terme. C'est pourquoi il est très important pour moi de mener un programme comme Tara Expéditions.

Allez-vous embarquer sur Tara pendant l'expédition en Arctique ?

Je pense passer 8 à 10 jours à bord pendant le passage du Nord Ouest. Le bateau étant principalement « réquisitionné », et c'est normal, par les scientifiques. 

Comment le bateau doit-il se préparer spécifiquement pour cette mission ?

Tara est en très bon état grâce au travail constant de son équipage, son capitaine Loïc Vallette, Jean Collet (ancien capitaine d'Antarctica) qui aide à la préparation du voilier pour l'Arctique et les entreprises lorientaises avec lesquelles nous travaillons. Tara n'a cessé d'être amélioré. Plus spécialement nous avons procédé récemment à la refonte complète des systèmes de refroidissement des moteurs, une refonte importante du système électrique, le laboratoire sec a été totalement revu pour la science. Il a fallu aussi travailler dans le laboratoire humide pour le chauffer, le protéger des températures négatives que nous allons rencontrer en Arctique. Nous avons démonté le gréement dormant à Paris, les cuves ont été nettoyées, un safran changé et les dérives ainsi que le mouillage ont été révisés.

L'équipage est-il finalisé ?

Romain Troublé et Philippe Clais ont préparé un équipage complet, de bons marins et spécialistes polaires. Loic Vallette et Samuel Audrain, qui a participé à l'expédition Tara Arctic, se succéderont comme capitaine. 

Quand est prévu le départ ?

Le week-end du 18-19-20 mai à Lorient. Nous avons fait une grande fête il y a un an pour le retour de Tara Oceans. Cette fois ci, nous comptons sur toute la spontanéité des Lorientais pour nous accompagner au début de cette nouvelle aventure. 

Où en est-on dans la suite de Tara Oceans, que se passe t-il dans les laboratoires ?

J'ai assisté la semaine dernière au lancement du projet OCEANOMICS. Lauréat du programme gouvernemental des «Investissements d'Avenir». Oceanomics va permettre de structurer une base de données issues des milliers d'échantillons planctoniques recueillis au cours de l'expéditionTara Oceans. Je suis de plus en plus surpris par l'étendue des résultats et des retombées qui s'annoncent. Tara Oceans a recueilli un trésor inestimable.
Gaby Gorsky, l'un des coordinateurs scientifiques principaux de Tara Oceans, disait « Il faut de la folie pour entreprendre des projets pareils ». Toute l'équipe de Tara Oceans a été suffisamment folle et déterminée pour mener à bien cette expédition hors du commun.
Ce qui m'anime dans le programme Oceanomics c'est la recherche fondamentale, c'est comprendre et découvrir l'océan, qui chaque jour se dévoile un peu plus.

L'actualité de Tara Expéditions se passe aussi de plus en plus à terre. Vous co-organisez une conférence sur la Haute Mer au Conseil Economique Social et Environnemental le 11 avril prochain.

La France a une responsabilité très importante sur la question des océans. Nous sommes le 2ème pays au monde en terme de superficie maritime. 
Et la Haute Mer est un espace de liberté mais qui ne doit plus être un espace de non-droit. En 2013, au plus tard en 2014, l'ONU (Organisation des Nations Unies) doit ré-étudier la question de la Haute Mer. 
L'enjeu est très important, c'est pourquoi nous avons souhaité que Tara Expéditions s'implique sur cette question.

Où puisez vous la force de votre engagement ?

Chacun, dans les expéditions que nous menons, avec ses moyens, son savoir-faire, s'engage pour un monde meilleur. S'occuper de la question environnementale aujourd'hui, c'est prévenir des risques humanitaires et des risques de guerre de demain. 
J'ai l'impression que cette préoccupation est très éloignée de la génération des 15-30 ans. J'aimerais que Tara apporte sa pierre à l'édifice, les encourage à se mobiliser et à prendre en main leur destinée.