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Le grand défi du sauvetage des récifs coralliens

Monaco

Des centaines de millions de personnes dépendent des récifs coralliens pour leur alimentation, la protection du littoral et leur subsistance. Depuis les années 1980, cet écosystème a connu une augmentation significative de phénomènes de blanchissement et de mortalité en raison du réchauffement global de la planète. Vingt et un experts de sept pays alertent sur cette situation, qui continuera de s'aggraver dans le futur, menaçant la survie des récifs coralliens avant la fin du siècle. Ils ont évalué les solutions potentielles à la crise des récifs coralliens et soulignent que celles-ci devront faire partie d'une stratégie organisée, avec un soutien fort des gouvernements et des investissements financiers comparables à ceux appliqués à d'autres crises mondiales.

La survie des récifs coralliens, sans doute l’écosystème le plus menacé de la planète, est aussi un impératif social puisque de nombreuses personnes dépendent des récifs coralliens pour se nourrir, pour leurs moyens de subsistance, et pour la protection du littoral contre l’érosion. Le réchauffement des océans provoque des événements de mortalité massive des coraux que l’on sait désormais augmenter en magnitude et en fréquence. Au cours des épisodes de blanchissement, le corail expulse les microalgues pourtant essentielles à sa survie, et si cela est réversible lorsque la hausse de température est de courte durée, un blanchissement prolongé peut entraîner la mort du corail et de l’écosystème entier.

Dans le cadre d’une initiative cofinancée par la Fondation Prince Albert II de Monaco et le Pew Marine Fellows Program, vingt-et-un experts de sept pays ont analysé la possibilité pour les récifs coralliens de survivre à la hausse des températures au cours de ce siècle. À l’aide de modélisations de températures issues de scénarios à fortes et faibles émissions de CO2, ils ont projeté le blanchissement futur des coraux en tenant compte de leurs capacités d’adaptation. Dans le cas de la trajectoire à fortes émissions, la température continue d’augmenter et l’adaptation et les interventions peuvent retarder, mais pas empêcher, des niveaux très élevés de blanchissement. Avec une trajectoire à faibles émissions, compatible avec l’Accord de Paris sur le climat, l’augmentation de la température est moins importante et permet à certains coraux de s’adapter et de survivre au blanchissement.

Ainsi la survie des récifs coralliens dépend-t-elle, dans le court laps de temps qui nous sépare de 2050, à la fois de l’atténuation des émissions de CO2 et des actions visant à augmenter leur capacité d’adaptation localement. La rapidité avec laquelle nous agirons au cours de cette période déterminera quels récifs, espèces, fonctions et services écosystémiques pourront être maintenus. Sans une action massive pour atténuer et adapter, les récifs coralliens tels que nous les connaissons aujourd’hui — et les services qu’ils rendent à l’humanité (production alimentaire, réduction des inondations et de l’érosion, tourisme, ressources économiques, valeurs culturelles) — risquent d’être l’un des premiers écosystèmes majeurs de ce siècle à s’effondrer sous le poids du changement climatique.

Les mesures potentielles visant à limiter et à contrer le déclin des récifs coralliens ont été évaluées en fonction de leur efficacité, de l’état d’avancement du développement technologique, des conséquences négatives potentielles, de l’acceptabilité sociétale et de l’échelle opérationnelle. Parmi les deux actions globales, la réduction des émissions de carbone a obtenu un score élevé, tandis que la gestion du rayonnement solaire par aérosols, qui consiste à renvoyer la lumière du soleil pour limiter le réchauffement de la planète, a obtenu un score très faible et n’est pas recommandée par le groupe d’experts. Parmi les actions locales, quelques-unes seraient mieux classées si leur échelle opérationnelle pouvait être accrue, par exemple par des réseaux d’actions locales visant à augmenter la résilience (conservation, restauration, reproduction assistée et flux génétique assisté).

L’étude a mis en évidence le consensus selon lequel l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre est non seulement essentielle à la survie des récifs, mais constitue également l’action la plus efficace, faisable, bénéfique, acceptable et ayant la plus grande portée. Elle a également souligné que la réduction des émissions doit être associée à des actions à l’échelle locale et régionale pour protéger l’environnement des récifs coralliens et accroître leur résilience. Nombre de ces actions doivent être perfectionnées, d’autres doivent être développées et testées davantage, tout en reconnaissant que certaines ne seront peut-être jamais mises en œuvre si les risques sont jugés trop élevés.

La sauvegarde des récifs coralliens nécessite une stratégie organisée, avec un soutien fort de la part des gouvernements et des investissements importants. Sauver un écosystème est un formidable défi, et requiert un effort du niveau de ceux qui sont déployés au niveau mondial pour guérir les maladies. L’urgence de la crise des récifs coralliens exige également une coordination beaucoup plus forte entre les disciplines. La base de cette coordination devrait idéalement tirer parti des multiples organisations et réseaux existants, ainsi que des nombreuses organisations gouvernementales et institutions privées qui s’associent déjà pour atteindre des objectifs communs. Ces partenariats doivent être renforcés par des priorités clairement identifiées pour les 20 à 30 prochaines années, et un plan évolutif permettant de coordonner les multiples mesures d’adaptation.

Un de ces partenariats est l’Initiative Internationale pour les Récifs Coralliens (ICRI), une union informelle des Nations, des organisations internationales et de la société civile pour préserver les récifs coralliens et les écosystèmes associés, et dont Monaco co-assure le Secrétariat. S.A.S. le Prince Albert II de Monaco a souligné l’importance des écosystèmes récifaux et l’urgence d’agir lors d’une réunion générale de l’ICRI en février 2021 « Face à de tels enjeux, qui sont à la convergence de l’économie, de la science et de la politique, je crois que nous devons toujours travailler de concert. C’est tous ensemble que nous pourrons agir efficacement et espérer sauver les coraux. [...] Ma Fondation, qui soutient des projets de terrain et des initiatives multilatérales innovantes, comme le Fonds mondial pour les récifs coralliens lancé avec la Fondation Paul Allen, a également fait de la protection des récifs coralliens une priorité. »

Publication :

Kleypas J., Allemand D., Anthony K., Baker A. C., Beck M., Hale L. Z., Hilmi N., Hoegh-Guldberg O., Hughes T., Kaufman L., Kayanne H., Magnan A., Mcleod E., Mumby P., Palumbi S., Richmond R., Rinkevich B., Steneck R. S., Voolstra C. R., Wachenfeld D. & Gattuso J.-P., 2021. Designing a blueprint for coral reef survival. Biological Conservation.

pdf: https://authors.elsevier.com/c/1cwN11R~eL7nu

Liens :

 

Contacts :

Joanie Kleypas (NCAR, USA), Tél. +506 8635-2998, kleypas@ucar.edu  

Jean-Pierre Gattuso (CNRS-Sorbonne Université-Iddri), Tél. +33 695 92 68 80, gattuso@obs-vlfr.fr

 

Photo de couverture : Pete Mumby