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Retour sur le One Ocean Summit : Quels engagements pour l’océan ?

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Après 2 jours d’échanges et de débats, une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement ont répondu à l’invitation du Président de la République Française pour prendre des engagements pour l’océan dans le cadre du One Planet Summit for the Ocean à Brest. Abordant 4 thèmes principaux : la protection des écosystèmes marins, la lutte contre les pollutions, la lutte contre le changement climatique et la gouvernance de l’océan – représentants politiques et du secteur privé se sont réunis autour du futur de l’océan mondial. Une dynamique prometteuse en amont des nombreux rendez-vous internationaux sur l’océan à venir en 2022. Rétrospective des annonces de ce sommet. 

 

 

Protection des écosystèmes marins et promotion de la pêche durable 

  • De nouvelles Aires Marines Protégées pour atteindre l’objectif de 30% des espaces marins protégés d’ici 2030

En amont de la COP15 de la Convention sur la diversité biologique (CDB) à Kunming, lors de laquelle sera négocié le nouveau cadre mondial de la biodiversité pour l’après 2020, de nombreux Etats ont réaffirmé leur intention de protéger 30% de leur Zone Économique Exclusive (ZEE) d’ici 2030. Plus de 30 nouveaux pays ont ainsi rejoint la Coalition de la Haute Ambition pour la Nature et les Peuples, co-présidée par le Costa Rica, la France et le Royaume-Uni. Ce sont désormais 84 pays qui portent l’objectif de protéger 30 % des espaces terrestres et marins, sous juridiction nationale, d’ici à 2030. La Polynésie Française a ainsi annoncé la création d’une nouvelle aire marine protégée de 500 000km2 au sud-est de l’archipel, et signifié la nécessité pour le territoire polynésien d’être reconnu comme “zone maritime particulièrement vulnérable » (ZMPV). Une demande rejointe par la France, l’Italie, l’Espagne et Monaco concernant l’espace Méditerannéen afin notamment de limiter la vitesse des navires pour protéger la biodiversité marine. La Colombie a annoncé la protection de 30% de sa ZEE à l’issue de l’année en cours. La France a quant à elle affirmé avoir atteint les 33% d’aires marines protégées sur son territoire – notamment grâce à l’extension de la réserve naturelle des Terres Australes et Antarctique Française. Si les objectifs semblent être atteints sur le papier, la question des niveaux de protection – essentielle afin de garantir des bénéfices écologiques – n’a été que peu abordée lors du sommet. La France assume d’ailleurs que ses niveaux de protection ne correspondent pas à la protection haute et intégrale prônée par les ONG et la communauté scientifique qui soulignent les bénéfices écologiques et socio-économiques avérés. Si la France a annoncé passer de 2% à 4% de protection forte, les 10% de protection forte d’ici 2030 réclamés par la société civile et les scientifiques sont encore loin. Par ailleurs, hormis le renouvellement du programme Pew-Bertarelli Ocean Legacy pour les 5 prochaines années, afin de soutenir la création d’AMP en Méditerranée, en Antarctique et dans le Pacifique, les moyens de financement, de surveillance et de gestion n’ont pas fait l’objet d’annonces. 

 

  • Mettre fin à la surpêche et vérifier, contrôler et sanctionner la pêche illégale, non déclarée et non réglementée  

Lors de ce segment de Haut-Niveau, les chefs d’Etat ont rappelé l’importance de renforcer les outils et mesures de contrôle et de sanction afin de lutter contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée. 14 pays participant au One Ocean Summit se sont ainsi engagés à renforcer la lutte contre la pêche illégale : six d’entre eux en ratifiant  l’accord du Cap de l’Organisation Maritime Internationale (OMI), sur les normes de sécurité pour les navires de pêche; deux nouveaux pays ratifieront également l’Accord relatif aux mesures de l’Etat du port de la FAO, qui permet de mieux contrôler les activités de pêche lors des débarquements. Plusieurs Etats membres de l’Union européenne se sont engagés à mobiliser leur marine d’Etat pour renforcer la surveillance de la pêche illégale, en application du règlement européen de 2008.

Alors que se tiendra en 2022 la douzième conférence interministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), Emmanuel Macron a appelé l’OMC à bannir toute subvention contribuant à la pêche illégale en 2022. Un appel qui ne concerne donc pas la surpêche alors que la cible 6 de l’ODD 14 sur la conservation et l’exploitation durable des écosystèmes, qui sera évaluée lors de la conférence de Lisbonne sur l’océan, vise à interdire toute subvention contribuant à la surpêche et à la pêche en surcapacité.

 

Des engagements pour lutter contre la pollution plastique

La lutte contre les pollutions a également été au cœur des discussions. Ce fléau, qui touche l’océan dans son entièreté, a des conséquences directes sur les écosystèmes marins et sur les populations humaines. Hage Geingob, Président de la Namibie, a ainsi porté la voix des pays en développement, premières victimes de ces pollutions :

“Nous ne polluons pas beaucoup en Afrique, c’est vous, les pays développés qui polluent davantage. Nous ne produisons pas de plastique et pourtant nous sommes les premiers à souffrir des conséquences.”

 

Conscients de ces enjeux, de nombreux Etats ont appelé à l’adoption d’un traité juridiquement contraignant sur la pollution plastique, en discussion depuis plusieurs mois, et dont l’importance à été renforcée lors de la COP 26 pour le Climat à Glasgow et la COP 22 de la Convention de Barcelone​​. Le lancement de ces négociations sera examiné lors de la 5e Assemblée des Nations Unies pour l’Environnement (ANUE), qui se tiendra du 28 février au 2 mars à Nairobi. Une initiative qui “donnera un cadre international contraignant afin de faire de cet engagement un vrai traité pour la fin du plastique à usage unique” selon Emmanuel Macron.

 

L’Agence Française de Développement (AFD) et la Banque Européenne d’Investissement (BEI) s’engagent également pour la réduction de la pollution plastique dans l’océan, avec le lancement de la Clean Oceans Initiative, ainsi qu’en apportant un financement de quatre milliards d’euros d’ici 2025 à l’appui de projets visant à réduire les déchets plastiques aux côtés de la Cassa Depositi e Prestiti (CDP), de la banque allemande de développement (KfW), de l’Instituto de Crédito Oficial (ICO) et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).

Dans cette lignée, Mark Schneider, PDG de Nestlé, a annoncé une réduction d’un tiers de son utilisation de plastiques ainsi qu’un engagement à atteindre 100% de leur packaging recyclable ou réutilisable d’ici à 2025.

 

Un océan de solutions face au changement climatique

  • Préserver les écosystèmes marins pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique 

Le potentiel de solutions issues de l’océan afin de lutter et s’adapter efficacement face au changement climatique a été souligné par de nombreux chefs d’Etat et représentants d’entreprises. Alors que les Etats insulaires (Fidji, Tonga, Palau) ont rappelé les conséquences dramatiques de l’élévation du niveau de la mer et des événements extrêmes sur leurs modes de vie et cultures, la restauration et la conservation des écosystèmes côtiers ont été mis en avant comme mesures nécessaires pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique. C’est d’ailleurs le message envoyé par Henry Puna, Secrétaire général du Forum des Îles du Pacifique, qui a rappelé l‘appel lancé par l’ensemble des chefs d’Etat des Îles du Pacifique dans le cadre de la “Déclaration sur la préservation des zones maritimes face à l’élévation du niveau de la mer liée au changement climatique” signée en août 2021. En amont de ce segment de haut-niveau, le Forum Sea’ties s’est également tenu dans le cadre du One Ocean Summit, et a rassemblé plus de 30 maires et gouverneurs de villes côtières du monde entier – de Stockholm à Bangkok, en passant par Jakarta et Lagos. A cette occasion, ils ont signé la Déclaration Sea’ties appelant les gouvernements nationaux et la communauté internationale à intensifier les mesures d’atténuation et d’adaptation afin de limiter les impacts de l’élévation du niveau de la mer sur les villes côtières, les territoires et leurs communautés. 

La valorisation économique des services rendus par les écosystèmes marins et côtiers par la structuration d’un marché de carbone bleu a également été mise en avant lors de ce sommet. Une coalition internationale pour le carbone bleu a ainsi été annoncée par la France, la Colombie et l’ONG Conservation International afin de financer la restauration de ces écosystèmes. 

 

  • Accompagner la transition vers des industries décarbonées

La transition vers des économies décarbonées grâce au développement des énergies renouvelables en mer a largement été évoquée lors de ce segment. John Kerry a  ainsi rappelé l’engagement des Etats-Unis à déployer 30 gigawatts (GW) d’éolien en mer d’ici 2030. De même Micheál Martin, Premier ministre de la République d’Irlande, assuré vouloir augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique à 80% d’ici 2040. 

L’enjeu de décarbonation et de “verdissement” des activités maritimes a également été un point central. Électrification et investissement dans le développement et l’utilisation d’énergies alternatives, telles ont été les promesses avancées par de nombreux pays. C’est le cas notamment des Etats-Unis qui ont rappelé leur engagement à atteindre zéro émission dans le transport maritime international d’ici 2030. C’est également le message porté par quatre des plus grandes compagnies de transport maritime (CMA-CGM, Hapag-Lloyd AG, AP Moller-Maersk et MSC) présentes lors de ce segment de Haut Niveau. Elles ont ainsi rappelé leurs efforts aux côtés de 22 armateurs européens pour se conformer à de nouveaux standards tels que promus par le Label Green Marine Europe. A ce titre, MSC s’est fixé comme objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. 

 

Renforcer la science et la gouvernance de l’océan 

  • Accroître nos connaissances sur l’océan

La nécessité de renforcer la recherche sur l’océan a été abordée à plusieurs reprises lors de ce sommet. Arguant qu’on “ne peut pas protéger ce qu’on ne connaît pas”, Emmanuel Macron a affirmé l’intention de la France de lancer de grandes missions scientifiques d’exploration des fonds marins, ainsi que la création d’une fondation pour les pôles afin de mieux en comprendre les évolutions. L’Union européenne s’est également engagée à se doter d’un “jumeau numérique de l’océan” qui permettra de rassembler les savoirs et de tester des scénarios d’action, au service de la croissance bleue européenne et de la gouvernance mondiale. Un soutien à la science renforcé par l’annonce de l’UNESCO de cartographier 80% des fonds marins d’ici 2030, et par la transformation de Mercator Océan International en Organisation Intergouvernementale. Ces engagements pour la connaissance s’inscrivent dans une volonté affichée de consolider le dialogue entre la science et les décideurs et ainsi de permettre une gouvernance multilatérale de l’océan.  

 

  • Redynamiser la gouvernance de l’océan global

A la veille de la quatrième session intergouvernementale portant sur un accord pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine au-delà des juridictions nationales (BBNJ) qui se tiendra en mars à New York, les chefs d’Etat ont rappelé l’urgence de trouver un accord opérationnel dès la fin de l’année. Dans cette optique, les 27 Etats membres de l’Union européenne ainsi que 16 Etats tiers ont annoncé le lancement de la “Coalition de la Haute ambition pour un traité de la Haute Mer”

Lors de ce segment de haut-niveau, le Président de la Polynésie française, Edouard Fritch, a rappelé à Emmanuel Macron son engagement d’organiser dans le Pacifique un sommet de haut niveau pour les pays insulaires. Il a ainsi été annoncé qu’un One Island Summit se tiendrait à Tahiti en septembre 2023. D’ici là, John Kerry a invité les Etats et la communauté océan à se rendre à Palau, en avril 2022, pour la Conférence Our Ocean. 

Le One Planet Summit pour l’Océan, à Brest, a ainsi inauguré l’année 2022 dont l’agenda devrait être riche en conférences internationales pour la protection des écosystèmes marins et l’utilisation durable des ressources océaniques. Dans une logique de continuité entre ces grands rendez-vous, le One Ocean Summit s’est positionné comme la première étape pour mobiliser les Etats et la communauté internationale autour des sujets marins et maritimes. Ainsi, les annonces faites et engagements pris devraient se concrétiser en amont de la deuxième Conférence des Nations Unies pour l’Océan, en juin à Lisbonne, dont le but est notamment d’évaluer l’atteinte des cibles de l‘objectif de développement durable 14 (ODD14) – Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable. Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, a appelé à cimenter le rôle de l’océan dans l’action mondiale pour réaliser les ODD et mettre en œuvre l’accord de Paris.

 

Les liens intrinsèques entre océan, climat et biodiversité ont fait l’objet d’une attention particulière pendant ce One Ocean Summit, et “nécessite une réponse globale, des actions audacieuses, un financement accessible et un partenariat équitable pour permettre aux communautés de renforcer leur résilience” – comme le rappelait le Président de Palau, Surangel Whipps Jr. A cet effet, la COP15 de la Convention Biodiversité (prévue cet été à Kunming) et la COP27 de la Convention Climat (novembre, Charm el Cheikh) seront l’opportunité de renforcer ces synergies en faveur d’une gouvernance intégrée des enjeux environnementaux.   

Des engagements qu’il s’agit maintenant de concrétiser. Le rendez-vous est donné pour faire de l’année 2022 une année bleue, et passer de la parole aux actes.

 

Crédit photo : Joachim Claudet

Article initialement publié sur : https://ocean-climate.org/retour-sur-le-one-ocean-summit-quels-engagements-pour-locean/